Comment s’affûter en cyclisme ?
S’affûter en cyclisme…bon nombre de cyclistes se sont posés cette question. En quoi cela consiste, comment s’y prendre…retrouvez nos conseils et astuces en collaboration avec Lucas Papillon, diététicien diplômé d’état spécialiste du cyclisme.
D’emblée, il nous faut d’abord remettre un peu d’ordre dans les idées. Si les cyclistes parlent aisément d’affûtage, cette expression leur est propre ou presque. Dans le monde du sport, l’affûtage correspond plutôt à la période qui précède un objectif, de 7 à 14 jours, où le sportif maximise son potentiel en conservant les acquis de son entraînement tout en réduisant la fatigue résiduelle pour être performant le jour J.
Nous allons ici plutôt nous intéresser au sens figuré de l’affûtage qui correspond plutôt à un poids de corps optimal pour la performance, au « séchage ». L’image correspond plutôt à l’affûtage d’une lame, l’élimination de matière pour la rendre tranchante. Pour le cycliste il s’agira de s’affiner et rendre les muscles saillants.
L’affûtage correspond ici à une période de séchage comme on peut la trouver dans les milieux de la préparation physique. En clair, une perte de masse grasse et un maintien de masse maigre.
Attention : le but de l’affûtage doit être la recherche d’un poids de forme et non une stratégie pour être toujours plus léger. Il doit être au service de la performance et non au détriment de celle-ci.
Le poids de forme, c’est quoi ? C’est finalement un juste équilibre entre la masse maigre (muscle), la masse hydrique et la masse grasse. Ce poids de forme peut évoluer, selon l’âge, les périodes ou les objectifs. Prenons l’exemple d’un cycliste qui souhaite évoluer sur Paris-Roubaix et quelques mois plus tard sur une traversée des Vosges à VTT, le poids de forme n’aura pas la même signification dans les 2 cas.
1. Alors, comment s’affûter ?
On l’a vu, le but est de minimiser la masse grasse, en conservant la masse maigre et la masse hydrique nécessaire au bon fonctionnement de l’organisme. En découle inévitablement une perte de poids. Et la masse grasse étant en grande partie stockée dans les tissus adipeux (NDLR : sous la peau), leur diminution entraînera le « dessin » musculaire recherché. Toutes les méthodes de perte de poids fonctionnent sur le même principe global : moins d’entrées d’énergie que de sorties d’énergie.
D’ailleurs, on retrouve ce principe dans toutes les méthodes de régime (Low Carb, Dukan, hyperprotéiné…) : les apports journaliers en calorie sont toujours inférieurs aux dépenses quotidiennes, ce sont des régimes hypocaloriques.
Les entrées d’énergie : Protéines (1 g => 4 kcal) / Lipides (1 g => 9 kcal) / Glucides (1 g => 4 kcal).
Les sorties d’énergie : activité physique / métabolisme.
Pour plus de détails, nous vous recommandons de lire notre article « L’alimentation du cycliste : guide des repas ».
2. Quelle stratégie ?
Tout d’abord, rappelons un principe qui doit être fondamental : la perte de poids doit toujours être progressive, en évitant les troubles du comportement alimentaire (privation, déficits, régimes stricts, jeûne…). Le mieux est sans doute, à l’image du plan d’entraînement, de se faire aider par un spécialiste de la nutrition qui vous proposera un programme sinon des rééquilibrages alimentaires.
Pour Lucas Papillon, diététicien : « une démarche hypocalorique mal conduite pourra amener à des carences nutritionnelles très délétères pour la performance mais aussi la santé, avec des impacts au niveau hormonal, cette démarche pourra engendrer des dérèglements qui auront un impact sur la performance et la santé, d’où le phénomène yoyo que l’on observe ».
Au quotidien, le programme d’affûtage verra :
- un programme d’entraînement adapté, avec une dominante aérobie : la zone de lipolyse permettra de mieux mobiliser les graisses à l’effort. On pourra y associer des efforts intermittents à haute intensité qui auront eux l’avantage de mobiliser notre métabolisme pendant et après l’effort.
- une diminution de la consommation de lipides, sans les supprimer toutefois : nous en avons un besoin vital et les lipides constituent une source d’énergie importante. On veillera plutôt à la qualité des lipides consommés : poissons gras riches en Oméga 3, fruits à coques et oléagineux, huiles végétales variées…
- Une diminution de la consommation de glucides à index glycémique élevé, que l’on retrouvera dans les produits sucrés et/ou transformés, sodas, viennoiseries… Attention aux sucres cachés, notamment dans les plats préparés de l’industrie. On privilégiera, notamment pour la pratique sportive, les glucides à index glycémique bas, dont la diffusion sera plus progressive et évitera ainsi les sensations de faim et grignotages induits au cours de la journée.
- Un maintien de la quantité de protéines consommée, là aussi dont on veillera à la qualité. Une augmentation de leur part dans nos rations peut également être envisagée pour limiter le stress oxydatif et renforcer la satiété. Penser ici au petit-déjeuner avec une présence de protéines, à l’image du petit-déjeuner sportif d’avant effort. Il permettra de tenir toute la journée et de mieux assimiler les repas suivants.
Légumes et fruits seront consommés en quantité suffisante : ils apportent à eux seuls la plupart des vitamines et oligo-éléments indispensables au bon fonctionnement de l’organisme.
Enfin, rappelons encore une fois qu’une bonne hydratation est nécessaire et indispensable. Tout désordre en ce sens provoquera des pertes minérales ou des perturbations fonctionnelles qui provoqueront une baisse de la performance.
Les précisions de Lucas Papillon, diététicien : « Les lipides sont des indispensables de la performance sportive de façon indirecte : re-synthèse cellulaire, action anti-inflammatoire (utile pour la prévention des blessures et la pérennisation de la santé), impliqués dans des enjeux hormonaux et vitaminiques (certaines vitamines sont liposolubles). Une carence en lipides peut vous rendre maigre mais aussi “collé au bitume”.
On veillera à laisser les féculents à leur juste place, c’est-à-dire à chaque repas. Ce sont certes des vecteurs de calories, mais des calories, donc de l’énergie, il en faut pour mener à bien sa pratique sportive et continuer à progresser. Par ailleurs, ils ont un impact sur d’autres aspects micro nutritionnels comme l’immunité. Les céréales sont des sources de vitamines B et de minéraux. C’est un socle de l’alimentation du sportif, et cela, même si le sportif veut maigrir. Beaucoup les suppriment le soir par exemple, c’est une erreur !
Enfin, on ne dépassera pas les 2 g / kg / jour de protéines. Cela engendrerait une acidose métabolique néfaste, le surplus de protéines n’étant pas utile. »
3. Les erreurs à ne pas faire
Le mot « régime » ayant une connotation trop péjorative, nous utiliserons plutôt le terme de rééquilibrage alimentaire pour définir notre stratégie d’affûtage. On peut donc lister les erreurs répandues que l’on constate régulièrement.
Les erreurs à éviter :
- mauvaise hydratation.
- pas assez de légumes, fruits.
- pas assez de produits laitiers.
- repas déstructurés (suppression de repas ou de nutriments, décalages).
- trop de compléments alimentaires non justifiés.
Les troubles alimentaires, tel que le jeûne ponctuel ou régulier, sont à proscrire. Ils vont à l’encontre d’une démarche d’affûtage au sens sportif du terme. En effet, toute privation, et encore plus quand elle dure, entraîne un mécanisme de compensation par notre organisme. Ainsi, un jeûne entraîne rapidement une réduction du métabolisme de base : notre corps fonctionne au ralenti pour consommer moins d’énergie et se met à consommer des ressources autres que les graisses. Cela est particulièrement dommageable et contraire à notre objectif de réduction de la masse graisseuse et de performance sportive.
De la même manière la suppression d’aliments entraînera probablement un déficit en nutriments essentiels. Les habitudes alimentaires peuvent être changées sans les supprimer. Si vous ne pouvez vous passer d’un fast food, programmez le dans votre semaine type. Vous éviterez les dérapages, craquages…
Rouler avec un imperméable par 25°C n’entraîne rien d’autre que de la déshydratation. Si vous pesez 2 kilos de moins après une telle sortie cycliste, c’est que vous avez perdu quasiment 2 kilos d’eau. Comme il a été précisé plus tôt, ce sont des pertes à rapidement recouvrer pour ne pas créer de dysfonctionnements de notre organisme.
4. Quelle perte de poids ?
On le répétera encore ici : toute perte de poids doit être progressive, d’autant plus pour les sportifs qui ont besoin d’énergie pour l’activité physique. Toute méthode « miracle » est à proscrire, à l’image des régimes minceur que l’on voit fleurir avant l’été dans les magazines.
Pour une personne sportive, un objectif de 500 grammes de perte corporelle par semaine est le maximum raisonnable. Cela se traduit par une réduction des apports quotidiens de 15 à 20 %. Pour une personne en surpoids, sans activité physique, on peut dépasser ce seuil des 500 grammes sans toutefois dépasser 1 kilogramme par semaine. Les apports quotidiens sont alors réduits de 20 à 35 % en termes de calories.
Toute tentative de perte de poids supérieure à ces recommandations aura de grandes chances de provoquer des troubles hormonaux ou de résistance.
Pesez-vous toujours sur la même balance, dans les mêmes conditions (par exemple le matin au réveil tous les 3 jours), utilisez dans l’idéal une balance à impédance-mètre évoluée qui vous indiquera votre composition corporelle et validera votre démarche d’hygiène alimentaire, ou pourquoi pas une pince à plis médicale pour mesurer l’épaisseur des tissus adipeux à plusieurs endroits de votre corps (toujours les mêmes endroits pour tenir des comparaisons).
S’affûter est une procédure à long terme, à l’image de l’entraînement cycliste. Toute tentative pour progresser trop rapidement s’accompagnera de lourdes conséquences. La stratégie mise en place pour perdre du poids et afficher une ligne saillante doit être au service d’une meilleure performance.